lundi 15 février 2010

Nuriat Amat, Nous sommes tous Kafka


C’est par hasard que je me suis penché sur ce livre. On dit que le hasard fait bien les choses. Même si je ne suis pas adeptes de proverbes, je suis forcé de constater qu’il correspond à ma rencontre avec ce livre d’une auteure espagnole.
La difficulté est réelle tant parler de ce livre n’est pas un exercice des plus simples. La quatrième de couverture donne envie : « Est-ce que j’allais finir par devenir un écrivain ou un cheval ? » Existentielle comme question, et Nuria Amat en pose pleins des comme ça.
La narratrice se dit être la fille de Kafka, la fille de l’écrivain, une fille lectrice, une fille en quête d’un écrivain qui va sauter par la fenêtre, qu’elle sauverait au dernier moment du suicide.
Dans ce livre, il n’est pas question d’histoire simple et ficelée. Le lecteur déambule au fil des pérégrinations de la narratrice. D’ailleurs souvent ces dernières sont réflexives. Elle nous amène dans sa relation avec son soi disant père, puis son soi disant mari de James Joyce. Les plus grands écrivains se croisent dans sa folle écriture. Avant d’être un roman, il s’agit d’un livre sur la littérature et ses acteurs. Tous les personnages se mêlent dans la narratrice, si bien que le lecteur, celui du livre, peut perdre le fil conducteur. Mais rappelons qu’il n’existe pas réellement comme dans n’importe quel autre livre. Ici, c’est un discours, un discours fou.
« Être écrivain ne consisterait-il pas à être fou ? »
« Être écrivain, c’est être un artiste frustré en permanence. »
Tout est questionné, tout est dans le doute. Elle avance sans trop savoir où elle ira. L’écriture l’amène dans des rencontres aussi surréalistes que folles. C’est d’ailleurs dans un asile que ce déroule une grande partie du livre, dans ce même asile qu’elle parle avec Virginia Woolf, et se retrouve dans la Bibliothèque de Walter Benjamin. Pas de temps, pas d’espace, elle erre dans ses propres lignes, dans son écriture, où les pères littéraires lui font signes, lui donnent des leçons.
« Ecrire c’est devenir fou. »
L’écrivain se confond à l’artiste. Et ce qui est écrit sur le premier pourrait s’appliquer au deuxième. La folie guette. Comme toute grande œuvre pour l’artiste, «tout grand roman n’est rien d’autre qu’une longue plainte sur l’incapacité totale et honnête de l’écrivain à faire de la littérature. »
La littérature avec ses maîtres tel Kafka, Joyce, Woolf, Rimbaud, est vécue par la narratrice comme quelque chose de vital. Il est amusant de constater que l’écrivain irlandais est qualifié de bricoleur par son père.
Tout s’emmêle dans un tourbillon de littérature. Dans un tourbillon d’un livre qui est en train de se faire.
« Connaître le processus de création de l’œuvre d’un écrivain fini par être plus intéressant que d’en lire le résultat, puisque la différence de l’œuvre d’un écrivain à un autre est infime et presque sans importance en comparaison avec leur façon à l’un et à l’autre de parvenir à mener à bien leur œuvre, qui est, en définitive, leur vie. »
Enfin, le lecteur s’interroge sur le sort de la lectrice. Quel sera t-il ? Va t-elle rejoindre les amoureux du saut par la fenêtre ?

Nuria Amat était une inconnue, pour moi. Désormais, ce livre, son premier traduit en français, n’est pas loin de mon bureau, de moi, dans ma chambre, mon atelier. Un livre où tout est interrogé. Autant que le processus de création, la mort, la vie, l’écriture, sont aussi mis à nus dans ce livre. Des questions simples mais joliment posées. De la difficulté de créer…



Cet article a été écrit le 15 Octobre 2008

Allia

2008

ISBN: 9 782844 852885

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