dimanche 28 février 2010

Ghérasim Luca, La voici la voie silanxieuse









Très beau livre de Ghérasim Luca (1913-1994), avec des dessins poèmes. Je parlerai davantage du poète très vite.
José Corti
ISBN 2 7143 0594 6

samedi 27 février 2010

Wyatt Bell Les magnolias sont rouges



Si j’ai lu ce livre, c’est parce qu’il a été traduit par Robert Filliou (1926-1987). J’ai été curieux de découvrir ce polar de 1964. Je connaissais l’activité de traducteur de Robert Filiou, mais je n’en avais jamais eu la preuve. La voici. Et figurez-vous que ce polar n’est pas si mal.

Une histoire banale, un homme est accusé de meurtre à la place d’un autre, ou d’une autre. Ce premier est noir, c’est dommage pour lui, il a donc tous les tords, puisqu’un blanc est mort. La ville est contre lui. Et tout porte à croire que le meurtre est celui d’un nègre. De plus, c’est le dernier à avoir vu la victime, puisqu’il a assisté à la scène et à tout cacher. S’ajoute à cela un furieux policier, pourtant ami d’enfance du premier, qui s’entête à le pourchasser, à tout faire pour qu’il avoue, jusqu’à le torturer.

Ce polar est alletant, et nous emmène dans une époque où il ne faisait pas bon d’être noir. Mais est-ce si loin que cela ?

Gallimard

vendredi 26 février 2010

Serre, le bricolage






Un livre de dessins, de Claude Serre (1938-1998), sur le bricolage, c'est drôle.
Glénat
ISBN 2 7234 0409 9

jeudi 25 février 2010

Marc Décimo Jean-Pierre Brisset, prince des penseurs




C’est grâce à ce livre que j’ai découvert le fou littéraire qu’est Jean-Pierre Brisset (1837-1919). Un livre, une biographie, qui nous raconte la folle vie de l’auteur des oeuvres natatoires. Il faut se procurer les oeuvres complètes (aux presses du réel) pour pénétrer l’oeuvre du génie Brisset. Et ce livre nous apprend tout sur cet homme pas commun. Alors, on découvre comment on l’a élu « prince des penseurs » en 1913, on apprend ses recherches sur l’origine de l’espèce humaine. Et oui, selon Brisset, l’homme descendrait de la grenouille. Ce serait d’ailleurs pour cette raison que le président de la République porte le grande cordon d ela Légion d’honneur en sautoir.

Oui, ce livre est drôle, car on rit avec les inventions de Brisset, les folles inventions, lui qui tentait donc de reformuler le monde et ses origines, lui qui a eu tant d’admirateurs, de Marcel Duchamp à Raymond Queneau en passant par André Breton.

« Devant un public plus vibrant que recueilli, Jean-Pierre Brisset développe sa grande pensée métaphysique, sa découverte géniale qui lui a valu d’être élu Prince des Penseurs :

« L’homme descend de la grenouille. »

À l’appui de cette constatation, il fait une desciption de la grenouille, notre mère à tous, et il fournit seulement cette remarque physiologique que la grenouille, comme l’homme, a quatre doigts et un pouce, à chaque main.

« D’où l’ont-ils sorti cet olibrius ? Est-il fou !

- Chut ! Un peu de silence, messieurs les journalistes ; je vous en prie. Le Prince des Penseurs parle.

- Maisc’est qu’il faut l’entendre, c’est inouï ! Il est en train de nous convaincre des origines batraciennes de l’homme avec preuves à l’appui... N’est-ce pas cocasse ? »

Un clan fait entendre quelques coups de sifflets, probablement une coalition d’élèves conformistes, tandis que de coquettes demoiselles bergsoniennes scandalisées restent coites »

Marc Décimo

Éditions Ramsay

1986

ISBN 2 85956 477 2

mercredi 24 février 2010

Francis Ponge, Pièces


« La valise

Ma valise m’accompagne au massig de la Vanoise. Et déjà ses nickels brillent et son cuir épais embaume. Je l’empaume, je lui flatte le dos, l’encolure et le plat. Car ce coffre comme un livre plein de trésor de plis blancs : ma vêture singulière, ma lecture familière et mon plus simple attirail, ou, ce coffre comme un livre est aussi comme un cheval, fidèle contre mes jambes, que je selle, je harnache, pose sur un petit banc, selle et bride, bride et sangle ou dessangle dans la chambre de l’hôtel proverbial.

Oui, au voyageur moderne sa valise en somme reste comme un reste de cheval. »

Poésie/ Gallimard

ISBN 2 07 031873 7

mardi 23 février 2010

Francis Ponge, le parti pris des choses




« Je ne sais pourquoi je souhaiterais que l’omme, au lieu de ces énormes monuments qui ne témoignent que de la disproportion grotesque de son imagintation et de son corps ( ou alors de ses ignobles moeurs sociales, compagniales), au lieu encore de ces statues à son échelle ou légèrement plus grandes ( je pense à David de Michel-Ange) qui n’en sont que de simples représentations, sculpte des espèces de iches, de coquilles à sa taille, des choses très différentes de sa forme de mollusque mais cependant y proportionnées ( les cahutes nègres me satisfont assez de ce point d evue), que l’homme mette son soin à se créer aux générations une demeure pas beaucoup plus grosse que son corps, que toutes ses imaginations, ses raisons soient là comprises, qu’il emploie son génie à l’ajustement, non à la disproportion, - ou, tout au moins, que le génie se reconnaisse les bornes du corps qui le supporte. »

Francis Ponge (1899-1988)

Poésie/ Gallimard

ISBN 2 07 030223 7

lundi 22 février 2010

Brassaï, Conversations avec Picasso



C’est l’un des livres les plus importants dans ma bibliothèque. Et il y en a beaucoup. Mais, celui-ci a été très important pour moi. Cela paraît certainement naïf aux yeux de certains, mais c’est ainsi, et ce livre m’a donné le goût de la vie artistique, de ses acteurs, et d’en faire partie.

Alors, ici, nous avons Brassaï (1899- 1984), le jeune potographe, qui rencontre Picasso (1881-1973), grande figure de l’art. Et puis Brassaï suit le peintre dans son atelier, avec ses amis. C’est un livre construit sous la forme d’un journal, qui nous emmène dans une toute autre époque où Paris était une capitale artistique importante, où les artistes se croisaient, discutaient. Bref, tout ceci est une réelle excitation, que l’on aurait tendance à être nostalgique d’une époque que l’on a guère vécue, mais que l’on découvre dans l’écriture de Brassaï.

« Était-il conforme à celui que son oeuvre et sa légende avaient formé en moi ? Sa présence effaça cette image et mon appréhension. J’avais devant moi un homme simple, sans affectation, sans morgue, sans pose. Son naturel et sa gentillesse me mirent d’emblée à l’aise. Je regardai aussi l’étrange lieu : je m’attendais à un atelier d’artiste et c’était un appartement transformé en capharnaüm...Sans doute jamais logement bourgeois ne fut aussi peu « bourgeoisement meublé » : quatre ou cinq pièce - chacune avec sa cheminée en marbre surmontée d’une glace - entièrement vides de tous leurs meubles habituels, remplies de tableaux entassés, de cartons, de paquets de baluchons contenant, la plupart, les moules de ses statues, de pile de livres, de rames de papier, d’objets étéroclites, posés pêle-mêle, au long des murs, à même le sol, et recouverts d’une épaisse couche de poussière. »

Gallimard

édition de 2004 avec reproductions des photos

ISBN 2 07 074964 9

dimanche 21 février 2010

Jean-Luc Godard, Éloge de l'amour


Ce livre de Jean-Luc Godard est une succession de phrases sorties d’un film. N’ayant pas vu le film du même titre, j’ai tout de même été séduit par toutes ces remarques. Je vous propose quelques extraits, coupés, le livre n’offrant que des blancs en guise de ponctuations.

« on rigole de 1900

et on se retrouve dans une époque

analogue

dont je deveine qu’elle sera

aussi ridicule »

« presque tout le monde a le courage

de vivre sa vie

mais pas de l’imaginer »

« dîtes-moi, c’est pas gai par ici

mais monsieur

le bonheur n’est pas gai »

« l’image, monsieur

seule capable de nier le néant

est aussi

le regard du néant sur nous »

« ils considèrent la vie

comme une pute dont ils profitent

pour améliore

leur existence

l’extraordinaire

pour améliorer l’ordinaire

comme on dit

c’est exact

on peut jouir de l’existence

pas de la vie »

P.O.L

ISBN 2 87744 841 7

samedi 20 février 2010

Éloge de rien


Éloge de rien est signé par un anonyme en 1730, le livre est édité trois fois. Après enquète, une notice du présent ouvrage nous démontre que l’auteur est un certain Louis Coquelet (18676- 1754), connu pour ses livres fantaisistes comme l’Almanach des dames, Eloge de la goutte, Critique de la charlatanerie, Eloge de la méchante femme.

Eloge de rien est donc un drôle de petit livre, où il n’y a rien comme sujet, seule une éloge bien écrite et sympathique à lire.

« J’ajouterai à tout ce que j’ai déjà dit sur Rien, Messieurs, que le meilleurs pays de la terre serait celui où l’on vivrait pour Rien, où l’on mangerait pour Rien de fines perdrix et de bonnes fricassées de poulets, où l’on boirait pour Rien des vins meilleurs que les vins les plus délicats de Bourgogne et de Champagne ; et que nous regarderions comme un homme divin celui qui nous donnerait une belle maison et une terre pour Rien. J’ajouterai encore que la plupart de nos poètes sont des grands diseurs de Rien ; que ce qui fait la plupart du temps tout le mérite de nos orateurs, ce sont des Riens brillants enchâssés dans de grandes paroles, et étalés avec pompe ; que mille tendre Riens font l’occupation de presque tous ceux ui aiment ; qu’on amuse quelque fois les plus grands hommes avec des Riens, que la plupart de nos conversations sont pleines de Rien, et que ce sont ordinairement ces conversations pleines de petits Riens agréables, qui réjouissent et divertissent le plus ; que la plus grande partie des hommes s’occupent de Rien, et s’étudient à Rien ; que tout le fruit que nous retirons de nos veilles, et de touts nos édtudes est moins que Rien, au sentiment même de Socrate ; car ce grand philosope qui lut, médita, étudia toute sa vie, et qui fut jugé le plus sage des mortels par l’Oracle d’Appolon, que savait-il de son propre aveu ? Rien.»

Allia
2008

ISBN 978 2 84485 280 9

vendredi 19 février 2010

Jean-Jacques Schuhl, Entrée des fantômes


« La pharmacie anglaise des Champs-Élysées est ouverte la nuit. Elle possède deux rayons distins et un seul long comptoir : rayon de la maladie, rayon de la beauté. Côte à côte on patiente pour retarder la mort ou se maquiller le visage. » Rien que pour ces trois phrases, je suis heureux d’avoir lu ce livre de Jean-Jacques Schuhl. N’étant pas un spécialiste de l’auteur, je me suis aventuré dans l’inconnu. Je n’ai pas encore lu Ingrid Caven, et le dernier roman de Schuhl est celui avec lequel je pénètre dans son écriture.

Ce livre se divise en deux parties, des nouvelles, intitulées « Le mannequin » et « La nuit des fantômes ». Ces deux courts textes, le livre ne faisant que 140 pages, proposent un univers où le narrateur vit avec ses fantômes. Mais, dans la forme ces deux textes sont totalement différents, le premier met en place une histoire entre une certaine Marge et un non moins certain Vaughan. L’histoire est étrange, on nous mène dans un hôtel, et les messages sont mystérieux, jusqu’à se finir sur une suspension de points. C’est d’ailleurs ce final qui rapproche les deux parties. Dans la deuxième, on trouve notre narrateur, l’auteur, qui se voit proposer un rôle par le cinéaste Raul Ruiz. Rôle qu’il n’a pas encore joué, à l’heure qu’il est. C’est là que commence sa rencontre avec les fantômes...

Gallimard

2009

ISBN 978 2 07 012820 4

jeudi 18 février 2010

Miller Levy, Oulipismes







C’est dans la postface que Didier Semin parle si bien de ce livre. « Miller Levy apuisé, lui, dans al célèbre collection la matière de ses Oulipismes. Rappelons en deux mos de quoi il retourne : muni d’un bistouri, l’artiste a méticuleusement opéré des centaines de « Que sais-je ? », détachant le haut et le bas du volume, selon la ligne médiane qui sépare les deux lignes de leurs titres (une règle – dont j’ignore si elle est ou non écrite, mais on peut supposer qu’elle l’est – faisant que ces titres n’excèdent pas deux lignes) ; les hauts, si l’on ose dire, ont été ensuite greffés sur des bas qui n’étaitent pas les leurs, selon une méthode qui rappelle les arlequinades de notre enfance (le cou de la giragfe sur le corps du zèbre) ou les Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, version savante du même jeu de permutations (d’où la référence à l’OUvroir de LIttérature POtentielle). »

On a donc entre les mains un ouvrage catalogue de toutes ces opérations de greffes entre les « Que sais-je ? ». Ainsi, on découvre des titres comme la musique sexuelle, ou la vie française classique, ou les maladies comestibles, ou la sexualité concrète. Des ouvrages qui n’existent donc que par leur couverture, mais que l’on serait curieux de lire...

Les éditions du Bas Parleur

2008

1000 exemplaires

ISBN 978 2 917572 00 9

mercredi 17 février 2010

Jean Echenoz, Courir


Jean Echenoz a choisit la figure d’Émile Zátopek (1922-2000) comme héros de son livre. Courir est une biographie écrite par un romancier. C’est un exercice singulier de la part d’un tel écrivain, récompensé du Goncourt en 1999, que de choisir une figure sportive pour un roman. Vous me direz que ce n’est pas n’importe quelle figure. Émile, car c’est comme ça que l’appelle la plupart du temps le narrateur, était un coureur tchécoslovaque qui a battu tous les records, du Monde, d’Europe, et Olympiques. Une vrai star à son époque. Son époque, c’est celle de l’après guerre, son époque c’est celle d’un monde en reconstruction, lui, vivant dans un pays meurtri pris dans des conflits politiques.

Émile court. La course vient à lui. Il semblerait qu’il ait certaines facilités, mais pas l’élégance. D’ailleurs, il ne l’aura jamais. Émile est ce coureur que l’on voyait souffrir, le visage tordu, sur la piste.

Ce livre est d’une grande simplicité. Il dit tout de la difficulté d’un homme à se sortir d’un quotidien difficile avec la course. Mais Émile se laisse porter par la politique, notamment le communisme qui va lui refuser la participation à des championnats. Echenoz ne juge pas, il nous fait part d’une attitude simple d’un homme qui, quand il a su qu’il pouvait courir plus vite que les autres, ne fît que cela.

C’est un hommage à cet athlète méconnu de la nouvelle génération, à un sportif singulier et novateur.

« Ce qu’il ne comprend pas non plus, c’est que les autres, au stade, parlent chaque fois gravement de leur course, avec autant de sérieux que si ça l’était. Or courir, pour Émile, est pluôt devenu un plaisir même s’il comprend aussi que ce plaisir doit s’apprendre. Du coup, c’est lui qui se met à en faire trop. L’hiver, entre deux saisons, il s’entraîne inconsidérément pendant que les autres se reposent chez eux. Il fonce tous les jours sur la route jusqu’au village voisin, huit kilomètres aller-retour sans s’interrompre, et retourne sans cesse au stade bien que ça fatigue et que ça fasse mal. Il s’obstine tellement que les autres commencent à s’inquiéter pour lui. Tu es complètement malade Émile, s’alarment-ils, tu vas finir par t’épuiser. Travaille pluôt ton style. Mais non, dit-il, le style c’est des conneries. Et puis ce qui ne va pas chez moi, c’est que je suis trop lent. Tant qu’à courir, il vaut mieux courir vite, non ? »

Les éditions de Minuit

2008

ISBN 978 2 7073 2048 3

mardi 16 février 2010

B.S. Johnson, Christie Malry règle ses comptes



Samuel Beckett, à propos de B. S. Johnson : « Un écrivain des plus doués et qui mérite bien plus d’attention qu’il n’en a eue jusque-là. »

Et je me permets de revenir à B. S. Johnson, dont je parlais récemment avec Les Malchanceux. Dans ce roman, tout à fait singulier encore une fois, nous est narrée la vie d’un certain Christie Malry. Christie est un homme simple, gentil. Il cherche à gagner de l’argent, se retrouve employé dans d’une banque puis facturier dans une entreprise de bonbons. C’est au cours de son apprentissage en comptabilité qu’il fît la connaissance avec le principe di « en Partie Double ». Finalement, il décide de se l’approprier, d’en faire son système de vie, désormais il tiendra ses comptes de la manière suivante : une colonne pour les débits préjudices, ce qui équivaut aux offenses subies, et dans une deuxième colonne, les crédits réparations, ce qu’il fait pour rattraper les préjudices.

Dans sa vie Christie à une chouette petite amie, la Pie Grièche, des collègues de travail sympathiques, et une mère qui meurt au début. Tout ceci est écrit pour les besoin du roman, comme nous le rappelle parfois certains des personnages. À un moment, même l’auteur du livre se retrouve en tête à tête avec son héros, lui faisant part de son impossibilité à continuer le roman.

Ce livre est fort tellement il est novateur dans la construction romanesque. Parler du roman dans un roman avec un personnage tout à fait simple mais pourtant original de part l’entreprise qu’il met en place.

« Christie, l’avertissage-je, il me paraît impossible de poursuivre ce roman. J’en suis désolé.

- Ne soyez pas désolé, dit Christie gentiment, ne soyez pas désolé. Nous n’en sommes point à confondre quantité et qualité, n’est-ce pas ? Et puis, qui veut encore lire de longs romans de toute façon ? Pourquoi passer tout son temps libre de la semaine à lire un roman de mille pages alors que l’on peut vivre en seule fois une expérience esthétique comparable devant une pièce de théâtre ou un film ? L’écriture d’un long roman est en soi un acte anachronique : il se justifiait au sein d’une société et d’un ensemble de conditions sociales qui n’ont plus cours aujourd’hui.

- Je suis heureux que vous me compreniez si facilement, dis-je, soulagé.

- À partir de maintenant, le roman devrait seulement essayer d’être Drôle, Brut, et Court, dit Christie en forme d’épigramme.

- Vous me l’enlevez de la bouche, repris-je, heureux. J’ai écrit tout ce que j’avais à dire, ou plus exactement, ce sera le cas dans vingt-deux pages, alors il est clair que... »

Quidam

2004

ISBN 2 915018 05 7

lundi 15 février 2010

Nuriat Amat, Nous sommes tous Kafka


C’est par hasard que je me suis penché sur ce livre. On dit que le hasard fait bien les choses. Même si je ne suis pas adeptes de proverbes, je suis forcé de constater qu’il correspond à ma rencontre avec ce livre d’une auteure espagnole.
La difficulté est réelle tant parler de ce livre n’est pas un exercice des plus simples. La quatrième de couverture donne envie : « Est-ce que j’allais finir par devenir un écrivain ou un cheval ? » Existentielle comme question, et Nuria Amat en pose pleins des comme ça.
La narratrice se dit être la fille de Kafka, la fille de l’écrivain, une fille lectrice, une fille en quête d’un écrivain qui va sauter par la fenêtre, qu’elle sauverait au dernier moment du suicide.
Dans ce livre, il n’est pas question d’histoire simple et ficelée. Le lecteur déambule au fil des pérégrinations de la narratrice. D’ailleurs souvent ces dernières sont réflexives. Elle nous amène dans sa relation avec son soi disant père, puis son soi disant mari de James Joyce. Les plus grands écrivains se croisent dans sa folle écriture. Avant d’être un roman, il s’agit d’un livre sur la littérature et ses acteurs. Tous les personnages se mêlent dans la narratrice, si bien que le lecteur, celui du livre, peut perdre le fil conducteur. Mais rappelons qu’il n’existe pas réellement comme dans n’importe quel autre livre. Ici, c’est un discours, un discours fou.
« Être écrivain ne consisterait-il pas à être fou ? »
« Être écrivain, c’est être un artiste frustré en permanence. »
Tout est questionné, tout est dans le doute. Elle avance sans trop savoir où elle ira. L’écriture l’amène dans des rencontres aussi surréalistes que folles. C’est d’ailleurs dans un asile que ce déroule une grande partie du livre, dans ce même asile qu’elle parle avec Virginia Woolf, et se retrouve dans la Bibliothèque de Walter Benjamin. Pas de temps, pas d’espace, elle erre dans ses propres lignes, dans son écriture, où les pères littéraires lui font signes, lui donnent des leçons.
« Ecrire c’est devenir fou. »
L’écrivain se confond à l’artiste. Et ce qui est écrit sur le premier pourrait s’appliquer au deuxième. La folie guette. Comme toute grande œuvre pour l’artiste, «tout grand roman n’est rien d’autre qu’une longue plainte sur l’incapacité totale et honnête de l’écrivain à faire de la littérature. »
La littérature avec ses maîtres tel Kafka, Joyce, Woolf, Rimbaud, est vécue par la narratrice comme quelque chose de vital. Il est amusant de constater que l’écrivain irlandais est qualifié de bricoleur par son père.
Tout s’emmêle dans un tourbillon de littérature. Dans un tourbillon d’un livre qui est en train de se faire.
« Connaître le processus de création de l’œuvre d’un écrivain fini par être plus intéressant que d’en lire le résultat, puisque la différence de l’œuvre d’un écrivain à un autre est infime et presque sans importance en comparaison avec leur façon à l’un et à l’autre de parvenir à mener à bien leur œuvre, qui est, en définitive, leur vie. »
Enfin, le lecteur s’interroge sur le sort de la lectrice. Quel sera t-il ? Va t-elle rejoindre les amoureux du saut par la fenêtre ?

Nuria Amat était une inconnue, pour moi. Désormais, ce livre, son premier traduit en français, n’est pas loin de mon bureau, de moi, dans ma chambre, mon atelier. Un livre où tout est interrogé. Autant que le processus de création, la mort, la vie, l’écriture, sont aussi mis à nus dans ce livre. Des questions simples mais joliment posées. De la difficulté de créer…



Cet article a été écrit le 15 Octobre 2008

Allia

2008

ISBN: 9 782844 852885

dimanche 14 février 2010

Blutch, le petit christian




J’ai découvert Blutch avec Fluide Glacial. J’aimais tout particulièrement ces dessins noirs, et très singuliers. J’aimais ses personnages, et sa capacité à nous ouvrir ailleurs avec un dessin pourtant saturé.

Le petit christian propose, en deux volumes, l’histoire de l’enfance de l’auteur, sans pour autant être une autobiographie dessinée affirmée par ce dernier. Les histoires sont caustiques, celle d’un petit garçon avec ses héros, Luky Luke, les filles et ses amis.

L’association

2008

ISBN 978-2844140067

samedi 13 février 2010

B.S. Johnson, Les Malchanceux


Un livre en boîte ce n’est déjà pas commun mais quand on rajoute à cela que la lecture se fait au hasard, alors là on découvre un livre ludique et étonnant. B. S. Johnson (1933-1973) est connu pour avoir été un auteur expérimental. Ce qui ne fera pas sa richesse, hélas. Et aujourd’hui encore, rares sont ceux qui le connaissent, lui, qui voulait ne raconter que sa vie, lui qui adorait Joyce et Beckett. Très proche de ses idoles, il s’amuse avec le roman. Chacun d’eux est unique tant dans sa forme que dans son contenu. Il faut noter que les éditions Quidam font un énorme travail pour que le public français puisse lire l’oeuvre de cet auteur méconnu.

Les malchanceux se donne à lire d’une façon tout à fait étonnante, donc. Vous ouvrez la boite, et un bandeau retient quelque 27 feuillets. Seuls le premier et le dernier chapitre sont imposés, le reste est à lire dans l’ordre que l’on désire. Rien que cela, nous sommes déjà dans la révolution. Mais quelle est l’histoire ?

C’est celle d’un homme, l’auteur, qui au moment de se rendre à un match de foot, se souvient des moments passés avec un ami emporté par un cancer. Le sujet est grave, mais pas pour autant pathétique. Plus on lit, plus on a de l’empatie pour cet auteur pour qui la vie ne sera plus pareille. Les feuillets à lire s’enchaînent dans le désordre, comme ces instants qui viennent à l’esprit sans ordre chronologique. L’écriture est savoureuse, et les moments relatés sont ceux d’une amitié sincère qui ne s’éteindra qu’avec la mort. Et puis, l’auteur ponctue ce livre par des souvenirs d’avec son amour de l’époque, une femme qui le fera tant souffert. Et puis, il y a ce match de foot sur lequel il faut faire un papier.

« En y repensant aujourd’hui, je me rends compte que j’avais réagi de la même manière que Tony lors de l’enterrement religieux de son ami, j’ai oublié son nom, il y a quelques années de ça, celui qui s’est pendu, pour une expérience, une expérience ? On s’en fout, je ne faisais que reproduire sa réaction, mais en la circonstance, Tony allongé sur son lit de mort et incapable de parler, c’était pour le moins perturbant, moi qui ne voulais pas le perturber justement, mais qui tenais à ce qu’il défende ses principes, les discussions l’épuisaient, il relâchait son attention, et lorsqu’il fermait les yeux, je me levais, pensant qu’il s’était endormi, alors il se réveillait, comme s’il avait senti mon départ, et me retenait là, près du lit, parfois il dormait ou semblait perdre conscience pendant des heures, mais lorsqu’il parvenait à rester éveillé, on en profitait pour aller faire un tour, pour discuter, je me souviens que son père et son étaient occupés à réparer une voiture, enfin je crois, peut-être que c’était une autre fois, je sais plus. Le visites se confondent, tout s’enchevêtre, le superflu et l’essentiel, notre vie et son agonie. »

Quidam

2009

ISBN 978 2 915018 39 4

vendredi 12 février 2010

Luke Rhinehart, l'homme dé



Régler sa vie avec des coups de dé. Dit comme ça, ça paraît simple, mais la vie morose du Dr Rhinehart , devient vite agitée et extraordinaire. En effet, rien n’est ordinaire dans les choix du dé, qui commence à lui indiquer de violer son amie voisine ; laquelle se laisse faire gentiment. Le docteur devient vite le jouet du dé qui s’amuse de ses humeurs, comme un pantin. Il s’agissait pourtant de se libérer mais les lois du dés, celles du hasard total, sont toutes autant alliénantes que les règles de la vie banale. Sa vie est à l’image de ces livres dont vous êtes le héros, vous avancez en fonction de ce qu’indique le dé. Le Dr Rhinehart devient l’organisateur d’une entreprise avec des dé-centres et des détudiants.

Avec ce système, la règle est que l’on ne sait jamais ce que l’on fera le lendemain, ni même qui l’on sera. Il s’agit de libérer toutes les personnalités que l’homme peut avoir en lui. Enfin ce système ne peut plaire à tout le monde...

Livre paru au début des années 70, L’homme dé englobe toutes les idées, les libérations de l’époques. La morale est oubliée, on consomme tout, on teste tout. Mais finalement à vouloir extérioriser ses personnalités refoulées, l’homme ne va pas t-il directement vers une forme d’alliénation ?

Toujours est-il que ce livre est fort intéressant, et quarante ans plus tard, il est bien nécessaire de le lire.

Mais voilà comment tout débute, le docteur Rhinehart découvre qu’une carte de jeu cache un dé :

« « Si c’est l’as, je vais violer Arlene. » Cela continu à clignoter, à s’allumer, s’éteindre et se rallumer dans mon esprit comme une énome enseigne au néon, et ma terreur grandit. Mais en pensant : s’il ne marque pas l’as, je vais me coucher, la terreur fondit, remplacée par une agréable excitation, et ma bouche s’enfla d’un rictus gigantesque : l’as c’est le viol, les autres numéros le lit. Le dé est jeté. Qui suis-je pour le dé en doute ? Je retirai la reine de piqueet vis un oeil cyclopéen me fixer : l’as. »

Éditions de l’Olivier

1998

ISBN 978 2 87929 167 3

jeudi 11 février 2010

Fluxus Dixit, une anthologie


Avec ce premier volume (on attend la suite), Nicolas Feuillie a réuni les textes fondamentales du mouvement Fluxus, mouvement influencé par Dada et créé par George Maciunas au début des années 60. Ce qui est important à souligner c’est que chacun des artistes du groupe possèdent sa vision de Fluxus, ce qui va entraîner des discordes, notamment en Maciunas et Dick Higgins.

Avec cet ouvrage, c’est une somme de textes indispensables de plusieurs artistes qui est offert. Et Maciunas de dire dans une discussion avec Larry Miller, « Fluxus, et c’est ça, ça devrait être comme un livre, c’est tout. » Cet échange est en effet très important, tant on repère la place que prend le ready-made chez le fondateur du mouvement.

Mais Fluxus c’est quoi ? Voici ce que propose Ben comme définition.

« Sans John Cage, Marcel Duchamp et Dada, Fluxus n’existerait pas. »

« Le divertissement dans Fluxus réagit donc contre la culture. Reonne à l’art sa fonction primaire (divertir) et relègue la connaissance de l’histoire de l’art au second plan. »

Et voici le manifeste de George Maciunas de 1963

« Purger le monde de la

maladie bourgeoise, de la culture

« intellectuelle »,

professionnelle et

commercialisée, purger

le monde de l’art mort, de

l’imitation, de l’art

artificiel, de l’art abstrait,

de l’art illusionniste, de

l’art mathématique, purger

le monde de l’ « européanisme » !

Promouvoir un déluge et un

courant révolutionnaire

dans l’art

Promouvoir l’art vivant, l’anti-art,

promouvoir la réalité

du non-art afin qu’il soit

saisi par tout le monde, et

pas seulement les

ciritques, les dilettantes et

les professionnels.

Fondre les cadres cultures,

sociaux et politiques de la révolution en un front

et une action uniques. »

Les presses du réel

2005

ISBN 2 84066 072 5

mercredi 10 février 2010

Jean Dubuffet, Bâtons rompus



Ce livre d’entretiens est particulier. Basé sur de véritables entretiens que Jean Dubuffet (1901- 1985) a eu avec Marcel Péju au cours de l’année 1976, l’artiste a préféré s’en inspirer pour rédiger lui-même le tout. On retrouve une verve mordante que l’on pouvait déjà lire dans Asphyxiante culture. Ce livre est d’une importance colossale, comme une leçon de vie, sur l’art, et la création.

Extraits :

« J’estime que les notions de gaieté et de tristesse appartienent à un plan qui n’est pas celui de l’art. L’art commence là où ces notions ont perdu leur sens. »

« Je crois très important pour un artiste qu’il s’exerce à aligner sa pensée sur ce qu’il a fait, au lieu de s’entêter à aligner son ouvrage sur ce qu’il a en pensée. »

« La reproduction à l’identique des aspects qu’offre le monde physique ne m’apparaît pas une opération bien intéressante ni bien profitable. »

« Il me semble que la fonction de l’artiste est de faire face au monde et par conséquent ne cesser de le contester. »

« La vraie création ne prend pas souci d’être ou de n’être pas de l’art. »

« Je dirais de l’art qu’il est une pratique d’invetion de réalités de rechange, autres que la réalité instituée conventionnellement. Cette dernière est une prothèse à l’usage social. L’art est une pratique d’invention de nouvelles prothèses de réalité, à usage personnel. »

Les éditions de Minuit

2004

ISBN 2 7073 1085 9

mardi 9 février 2010

Guillaume Pinard, Livre de dessins







Sous la forme d’un cahier de texte, Guillaume Pinard propose des dessins en noir et blanc. Le crayonné est foisonnant, les noirs sont denses, et l’univers est très étonnant. Chaque page s’ouvre sur de nouvelles créatures toutes aussi monstrueuses les unes que les autres.

Sémiose éditions

septembre 2007

ISBN 978 2 9 15199 22 2



lundi 8 février 2010

Didier Blonde, Un amour sans paroles


Ca commence avec un accident de la route. L’actrice de cinéma muet Suzanne Grandais meurt le samedi 28 août 1920. Suzanne Grandais ? Nombreux sont ceux pour qui ce nom ne signifie rien du tout. Et j’en faisais parti avant la lecture du livre, un amour sans paroles, de Didier Blonde.

Le narrateur nous emmène dans son enquète sur cette actrice, vedette de cinéma muet. Et puis le temps est passé, et Suzanne Grandais a été oublié. C’est alors que dans les archives, il trouve un manuscrit signé d’un certain Jean D. L’histoire est ce qu’elle est, elle nourrira une grande partie de ce livre. Ce Jean D. s’avère être un fan de l’actrice, un amoureux qui ne la rencontrera jamais. Un amoureux qui semble avoir les traits de notre narrateur tant ce dernier s’identifie dans son enquète biographique sur l’actrice.

L’écriture est subtile, simple et l’on se découvre aimer cette Suzanne Grandais, pourtant méconnu au début de l’ouvrage.

« Quel secret perdu est-e que je crois pouvoir lire encore sur ces visages ? La mort de mes parents a fait de moi un spécialiste du muet. C’est là que je crois les reconnaître encore, dans ces passants qui leur ressemblent, et que je peux les faire parler à mots couverts. lanterne magique de l’enfance. À cette époque, le cinéma ouvrait les yeux émerveillés sur le monde et semblait n’avoir été inventé que pour célébrer la beauté des femmes dans la poésie du vent. Cétaient des élégantes en parures de diamant, dissimulées sous des voilettes et des chapeaux à l’architecture improbable, poursuivies par des hommes un peu ridicules, toujours jaloux, monocléset guêtrés de blanc. Aujourd’hui, elles sont redevenues presque aussi anonymes que ces figurants qu’on aperçoit furtivement, retirés dans les doubles fonds de l’écran. »


Gallimard, Février 2009

Collection l’un et l’autre

ISBN 978 2 07 012469 5

dimanche 7 février 2010

Jean-Pierre Verheggen, Sodome et Grammaire


J’ai acheté ce livre à la suite d’une lecture que le poète belge Jean-Pierre Verheggen et Jacques Bonnaffé avaient réalisé à la librairie du centre Wallonie Bruxelles. Ce fût déjà un grand moment de les écouter. C’en est un autre que de le lire.

Sodome et grammaire est caustique, manipule la langue, la retourne. Le « vieux poète » ne se laisse pas avoir par les rappeurs, les slameurs, loin de la poésie.

« Rappeurs, slameurs, encore un effort pour être poètes !

C’est d’autant plus vrai que personne ne cherche à vous en empêcher ! Au contraire ! Parlez ! Parlez même d’abondance ! Chattez, salmez, tchatchez, rappez en cadence, breakez en transe – que sais-je ? – exprimez vos différences ! Y compris celles qu’il y a entre ces différents genres !

(...)

Parlez verlan si ça vous chante mais parlez verlan comme l’aurait fait Paul Verlaine en son temps, parlez-en en poètes, parlez en Paul verlan tant qu’à faire ! Crezusez-vous la tête ! «Écrivez ! Insistez ! Récrivez ! Bossez d’arrache-vers et d’arrache-pied tout en faisant de la langue un travail et une fête ! Tout en exubérance autant qu’en patience ! (...) »

Ce texte, sorte de rebellion contre la mauvaise poésie que l’on nous impose quotidiennenent vient ponctuer un livre de poèmes tout aussi beaux et forts les uns que les autres. Des poèmes où l’on n’oublie pas de rire, où le sérieux est à la poubelle. Rien qu’à regarder leurs titres, nous avons déjà un échantillon de ce qu’il va nous attendre à la lecture : « Poème légèrement rayé, Poème pour finir en enfer, Poème pour les fêtes de fin d’année, Poème qui a beaucoup trop bu, Poème pour Par Contre, Poème très peu catholique, Poème pour rappeler que la Peinture est souvent mal vue.. »

Gallimard

Janvier 2008

ISBN 978 2 07 011980 6