Jean Echenoz a choisit la figure d’Émile Zátopek (1922-2000) comme héros de son livre. Courir est une biographie écrite par un romancier. C’est un exercice singulier de la part d’un tel écrivain, récompensé du Goncourt en 1999, que de choisir une figure sportive pour un roman. Vous me direz que ce n’est pas n’importe quelle figure. Émile, car c’est comme ça que l’appelle la plupart du temps le narrateur, était un coureur tchécoslovaque qui a battu tous les records, du Monde, d’Europe, et Olympiques. Une vrai star à son époque. Son époque, c’est celle de l’après guerre, son époque c’est celle d’un monde en reconstruction, lui, vivant dans un pays meurtri pris dans des conflits politiques.
Émile court. La course vient à lui. Il semblerait qu’il ait certaines facilités, mais pas l’élégance. D’ailleurs, il ne l’aura jamais. Émile est ce coureur que l’on voyait souffrir, le visage tordu, sur la piste.
Ce livre est d’une grande simplicité. Il dit tout de la difficulté d’un homme à se sortir d’un quotidien difficile avec la course. Mais Émile se laisse porter par la politique, notamment le communisme qui va lui refuser la participation à des championnats. Echenoz ne juge pas, il nous fait part d’une attitude simple d’un homme qui, quand il a su qu’il pouvait courir plus vite que les autres, ne fît que cela.
C’est un hommage à cet athlète méconnu de la nouvelle génération, à un sportif singulier et novateur.
« Ce qu’il ne comprend pas non plus, c’est que les autres, au stade, parlent chaque fois gravement de leur course, avec autant de sérieux que si ça l’était. Or courir, pour Émile, est pluôt devenu un plaisir même s’il comprend aussi que ce plaisir doit s’apprendre. Du coup, c’est lui qui se met à en faire trop. L’hiver, entre deux saisons, il s’entraîne inconsidérément pendant que les autres se reposent chez eux. Il fonce tous les jours sur la route jusqu’au village voisin, huit kilomètres aller-retour sans s’interrompre, et retourne sans cesse au stade bien que ça fatigue et que ça fasse mal. Il s’obstine tellement que les autres commencent à s’inquiéter pour lui. Tu es complètement malade Émile, s’alarment-ils, tu vas finir par t’épuiser. Travaille pluôt ton style. Mais non, dit-il, le style c’est des conneries. Et puis ce qui ne va pas chez moi, c’est que je suis trop lent. Tant qu’à courir, il vaut mieux courir vite, non ? »
2008
ISBN 978 2 7073 2048 3
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire