samedi 13 février 2010

B.S. Johnson, Les Malchanceux


Un livre en boîte ce n’est déjà pas commun mais quand on rajoute à cela que la lecture se fait au hasard, alors là on découvre un livre ludique et étonnant. B. S. Johnson (1933-1973) est connu pour avoir été un auteur expérimental. Ce qui ne fera pas sa richesse, hélas. Et aujourd’hui encore, rares sont ceux qui le connaissent, lui, qui voulait ne raconter que sa vie, lui qui adorait Joyce et Beckett. Très proche de ses idoles, il s’amuse avec le roman. Chacun d’eux est unique tant dans sa forme que dans son contenu. Il faut noter que les éditions Quidam font un énorme travail pour que le public français puisse lire l’oeuvre de cet auteur méconnu.

Les malchanceux se donne à lire d’une façon tout à fait étonnante, donc. Vous ouvrez la boite, et un bandeau retient quelque 27 feuillets. Seuls le premier et le dernier chapitre sont imposés, le reste est à lire dans l’ordre que l’on désire. Rien que cela, nous sommes déjà dans la révolution. Mais quelle est l’histoire ?

C’est celle d’un homme, l’auteur, qui au moment de se rendre à un match de foot, se souvient des moments passés avec un ami emporté par un cancer. Le sujet est grave, mais pas pour autant pathétique. Plus on lit, plus on a de l’empatie pour cet auteur pour qui la vie ne sera plus pareille. Les feuillets à lire s’enchaînent dans le désordre, comme ces instants qui viennent à l’esprit sans ordre chronologique. L’écriture est savoureuse, et les moments relatés sont ceux d’une amitié sincère qui ne s’éteindra qu’avec la mort. Et puis, l’auteur ponctue ce livre par des souvenirs d’avec son amour de l’époque, une femme qui le fera tant souffert. Et puis, il y a ce match de foot sur lequel il faut faire un papier.

« En y repensant aujourd’hui, je me rends compte que j’avais réagi de la même manière que Tony lors de l’enterrement religieux de son ami, j’ai oublié son nom, il y a quelques années de ça, celui qui s’est pendu, pour une expérience, une expérience ? On s’en fout, je ne faisais que reproduire sa réaction, mais en la circonstance, Tony allongé sur son lit de mort et incapable de parler, c’était pour le moins perturbant, moi qui ne voulais pas le perturber justement, mais qui tenais à ce qu’il défende ses principes, les discussions l’épuisaient, il relâchait son attention, et lorsqu’il fermait les yeux, je me levais, pensant qu’il s’était endormi, alors il se réveillait, comme s’il avait senti mon départ, et me retenait là, près du lit, parfois il dormait ou semblait perdre conscience pendant des heures, mais lorsqu’il parvenait à rester éveillé, on en profitait pour aller faire un tour, pour discuter, je me souviens que son père et son étaient occupés à réparer une voiture, enfin je crois, peut-être que c’était une autre fois, je sais plus. Le visites se confondent, tout s’enchevêtre, le superflu et l’essentiel, notre vie et son agonie. »

Quidam

2009

ISBN 978 2 915018 39 4

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